Autour d’un verre, un groupe éclate de rire : « ben ouais, on est des experts en procrastination ! on pourrait faire une thèse là-dessus non ??!! ».
Dans le groupe : uniquement des doctorant.e.s qui se rencontrent pour boire un verre et souffler un peu.
On est d’accord, ce genre de blague ne fait rire que ce genre de personnes (encore de l’humour hein 😉).
Mais qu’est-ce qui fait que pendant la thèse, nous avons toutes et tous l’impression d’avoir un.e gardien.ne du corps dont le prénom est PROCRASTINATION ?
Quelques questions croustillantes :
– Pourquoi, des êtres adultes – qui ont tant bataillé pour en arriver au doctorat – vivent ces situations inconfortables au quotidien ?
– Pourquoi scroller sur son téléphone prend plus de place qu’écrire sa thèse ?
– Pourquoi – une fois installé.e au bureau – descendre les poubelles devient plus sexy que de relire un chapitre à peaufiner ?
Tu l’auras deviné, aujourd’hui, c’est sujet sensible !
On s’y attelle de suite ! ⤵️
La procrastination n’est pas une condamnation
Il me semble nécessaire de poser dès le début que :
- Tout le monde procrastine (même tes encadrant.e.s !)
- La procrastination est une réponse de notre cerveau (qui lui a bien compris que c’est plus chouette une cacahuète qu’un tableau statistique)
- La vie et la thèse peuvent avancer et se dérouler « même si » la procrastination est régulièrement présente
- Il ne s’agit pas de vouloir arrêter de procrastiner ad vitam aeternam
- Il s’agit de comprendre que ça fait partie de l’être humain et
- ensuite de voir ce qui peut être fait pour qu’elle ne nous aspire pas dans une spirale inquiétante (qui peut faire des dégâts notamment sur notre santé mentale)
La procrastination et la thèse
Dans le vif du sujet ! J’appelle Geneviève Belleville à la barre 😉 A la question du pourquoi remettre à plus tard la rédaction scientifique est si commun, la réponse :
« Vous procrastinez parce que vous êtes anxieux. Vous avez peur de ne pas réussir, peur de ne pas être à la hauteur, peur de ne pas être capable, peur de ne pas être bon. L’écriture de thèse est l’activité la plus encline à provoquer ces peurs » (Belleville, 2014 : 67).
Merci Geneviève, ça fait du bien de lire ça (première respiration et déculpabilisation 😉)
On touche aux émotions, aux ressentis et à ces petites voix qui nous minent.
- Je voulais écrire, je n’ai pas réussi
- Je n’ai pas réussi, je suis nul.le
- Je suis nul.e, je ne suis pas fait.e pour la thèse
- Je ne réussis pas à tenir mes échéances
- Pourquoi les autres réussissent et pas moi ?
- Comment je vais m’en sortir ?
- Je suis démotivée, je n’en peux plus
Anxiété, stress, pensées négatives, actions réduites, manque d’énergie : les ingrédients d’une soupe qui sent mauvais !
La procrastination et ses soeurs
Une étude menée au Québec (Belleville et al., 2021) a permis d’explorer les liens entre l’anxiété, le perfectionnisme et la procrastination chez les doctorant.e.s.
Au sujet des résultats obtenus, dans le résumé de l’étude, Belleville souligne :
« Les résultats obtenus permettent de conclure que l’anxiété, le perfectionnisme (la recherche de hauts standards et les préoccupations perfectionnistes) et la procrastination (le fait de remettre à plus tard) influencent la motivation et la persévérance au doctorat. Le modèle de l’appréhension anxieuse et de l’évitement […] permet de comprendre que l’établissement de standards irréalistes et les préoccupations perfectionnistes (p.ex., doutes récurrents sur la qualité du travail, peur excessive de commettre une erreur) peuvent créer de l’anxiété reliée aux activités universitaires (particulièrement la rédaction de la thèse doctorale) » (2021 : 5).
Tu observeras que dans la famille des freins, il n’y a pas que la procrastination. Il y a aussi ses deux sœurs : l’anxiété et le perfectionnisme. Et cette fratrie compose un cercle vicieux.
Figure extraite de l’annexe de l’étude de Bellevile et al. (2021, annexe a : 5) intitulée « Modèle de l’appréhension anxieuse et de l’évitement adapté au contexte des études doctorales ».
Tu l’auras peut-être observé chez toi : l’anxiété est souvent en toile de fond.
Tu veux t’y mettre et ça te fait une boule au ventre 😵
Dans les grandes lignes :
- Si l’anxiété est là, c’est que tu es dans la peur excessive (et les sources peuvent être diverses, souvent les petites voix) : « je n’arrive pas à bosser, je n’arrive pas à me concentrer, je suis trop anxieux.euse pour pouvoir me concentrer »).
- Si c’est le stress, c’est le sentiment de ne pas être capable qui s’invite (« je n’arrive pas à gérer ma charge de travail »).
Ce stress active notre système et nous conduit à des comportements pas cools et pas adaptés : toute autre activité est plus appétissante (coucou procrastination !) : et te voilà dans les comportements d’évitement ☹
C’est ce que souligne Belleville :
« une trop forte anxiété peut mener à l’adoption de comportements d’évitement, sous la forme de procrastination des tâches les plus complexes. Or, même si la procrastination peut apporter un certain soulagement à court terme, en réalité, elle alimente les préoccupations perfectionnistes et maintient ou exacerbe le niveau d’anxiété » (ibid.).
Bref, on n’est pas sorti de l’auberge !
Mais faisons un pas de côté
⭐ Est-ce que ces données te permettent déjà de voir que tu n’es pas le.la seul.e à vivre ce que tu vis ?
⭐ Est-ce que voir que des chercheur.e.s qui s’intéressent au vécu des étudiant.e.s ont décrit ce cercle vicieux (cité plus haut) t’apporte un peu de réconfort et/ou de compréhension de ton propre système ?
Mon intention première est de t’aider à déculpabiliser. J’ai trop souffert pendant mon doctorat de périodes de néant, de moment où je pensais vraiment être la plus nulle des nulles. Comme disait Virginie Efira dans le film « 20 ans d’écart » (en plein milieu d’une pièce en pagaille et d’une vie en pagaille) « mais où est-ce que ça a merdé chimiquement ? ». Pour la Estefania de l’époque, le problème c’était moi. J’avais une tare et j’avais pas les compétences (du moins c’était ce que je sentais profondément …). Beaucoup trop de journées, semaines et mois à tourner en rond, à me fustiger, à m’autosaboter 😵
On revient à l’étude ?
Sais-tu ce que les chercheur.e.s proposent comme préconisations ? Je te recopie ça right now !
« […] il apparaît pertinent pour les doctorant.es de reconnaître comment l’anxiété, le perfectionnisme et la procrastination sont liés et interviennent dans leur motivation, leur sentiment d’efficacité personnelle et, ultimement, leur persévérance. En se basant sur le modèle de l’appréhension anxieuse et de l’évitement, lequel propose des cibles d’intervention, les doctorants.es pourraient apprendre diverses stratégies visant à diminuer l’anxiété, les préoccupations perfectionnistes et les comportements de procrastination afin d’augmenter leur motivation et leur rendement » (Belleville, 2021 : 3-4).
Tu vois ? La première étape, comme pour tout changement, c’est la prise de distance et la prise de conscience.
Traduction :
✅ Je prends conscience que dans l’exercice de la thèse, les 3 sœurs « anxiété + perfectionniste + procrastination » peuvent être des invitées de mon cheminement.
✅ Je note que si je comprends mieux le fonctionnement de l’anxiété, les mécanismes des perfectionnistes et les moyens de moins procrastiner : ça ira foncièrement mieux.
✅ Tout ce que je ferai en ce sens ne sera que positif pour moi et ma thèse (car ça impacte ma motivation et ma capacité de travail)
Pour rompre le cercle vicieux …
Pour rompre le cercle vicieux dont on parle depuis le début Belleville expose que « [les doctorant.e.s] pourraient identifier des stratégies personnelles pour en rompre le cycle (p.ex., technique Pomodoro, ateliers, outils et retraites de rédaction, comme ceux organisés par Thèsez-vous?) » (Ibid.: 5).
Bien évidemment, tout ne devrait pas reposer sur tes épaules, les chercheur.e.s évoquent le rôle que devraient avoir les encadrant.e.s (mais ça, c’est pour un autre épisode de blog 😉)
Personnellement, dans mon rôle d’accompagnatrice de masterant.e.s et doctorant.e.s, je remarque que statistiquement 85% des personnes accompagné.e.s me contactent car elles traversent :
➡️ La procrastination
➡️ Le stress et la démotivation
➡️ La difficulté à s’organiser au quotidien
➡️ Les blocages liés au passage à l’écriture
Toutes et tous, sans exception, ont un degré très élevé d’exigence : welcome les perfectionnistes ! (j’en suis moi-même une … en rémission 😇).
Toutes et tous, sans exception, peinent à naviguer certaines de leurs émotions et ne trouvent pas d’espace d’écoute non jugeant, non hiérarchique et disons-le : un espace où ils.elles peuvent déposer vraiment tous leurs bagages.
Oui, le système universitaire à encore beaucoup à faire (des choses bougent).
Mais pendant ce temps, toi tu galères avec ton quotidien de thèse !
Je te pose ici plusieurs clés qui te seront, je ‘espère, d’une grande aide (et je les développerai dans d’autres articles, promis !).
Quelques clés
🗨️ Définis tes objectifs (de façon réaliste please 😉)
🗨️ Planifie des créneaux sur ton agenda (créneaux non négociables)
🗨️ Sois au poste : quand t’es devant ton écran, tu es focus total et absolu
🗨️ Teste la méthode pomodoro (consulte mon article : https://macoachdethese.fr/travailler-sur-la-these-organiser-son-temps-efficacement-pomodoro/)
🗨️ Engage-toi avec quelqu’un.e : un.e ami.e doctorant.e, un.e mentor, etc.
🗨️ Fais toujours le point d’où tu en es : est-ce que je m’égare ou je suis OK avec l’objectif ?
🗨️ Fais le point en fin de semaine : ce qui a marché ou pas, comment améliorer ?
🗨️ Respecte ton rythme de travail et ajuste tes horaires à tes pics de « cerveau au RDV »
🗨️ Inclus rigoureusement des pauses et des activités de ressourcement (elles ont la même importance que la méthodo de ta thèse, vraiment !)
🗨️ Interagis avec des gens, parle de ton vécu, de ton sujet, de tes doutes : entoure-toi et fais-toi accompagner
Comme d’hab, pas de baguette magique :
- savoir, c’est super …
- … appliquer, c’est mieux !
Un changement de 1% dans ton quotidien, c’est déjà le premier moteur pour la suite !
Pstt : Je te propose des clés rapidement actionnables dans ton quotidien de thèse (ou de mémoire de recherche). Atelier de 2h en visio : UN VRAI BOOST pour déprocrastiner et passer à l’action !
🎯Toutes les informations ici > https://macoachdethese.fr/ateliers/
Quelques points de vigilance :
– L’étude citée s’inscrit dans le cadre universitaire québécois. Les études supérieures et le parcours doctoral n’est pas le même qu’en France. Cette variable est à prendre en compte.
– Chaque vécu doctoral est singulier : toutes les personnes en doctorat n’ont pas le même contexte social, familial, psychologique, expérientiel, etc. Les paramètres qui peuvent interagir dans les comportements de stress, d’anxiété et de procrastination sont donc à mettre en rapport avec l’écosystème de la personne concernée.
– Dans le cas des situations psychologiques qui appellent des soins médicaux, il est recommandé de s’adresser à des spécialistes (psychologue, psychiatre, etc.). Les universités disposent de consultations adressées aux étudiant.e.s. Renseigne-toi.
– Mes accompagnements et mes ateliers ne remplacent ni les spécialistes, ni les encadrant.e.s, ni les écoles doctorales : il s’agit simplement d’un autre espace d’aide et de soutien.
Sources citées
Belleville G. (2014). Assieds-toi et écris ta thèse ! Laval : PUL.
Belleville, G., Foldes-Busque, G., Guay, F., et Jackson, P. (2021). Déterminants des trajectoires d’anxiété, de perfectionnisme et de procrastination menant à l’abandon des études chez les doctorants. Rapport de recherche.
Belleville, G. (2021). Résumé du rapport « Déterminants des trajectoires d’anxiété, de perfectionnisme et de procrastination menant à l’abandon des études chez les doctorants ». Programme Actions concertées du Fonds de recherche Société et culture. Québec.
Si tu as des questions, des remarques ou des commentaires, écris-moi à contact@macoachdethese.fr